TPIUE, 19 juin 2019, aff. T-307/17
L’équipementier ADIDAS vient de subir un revers important devant le Tribunal de première instance de l’Union européenne qui annule la marque aux trois bandes faute de caractère distinctif.
La condition tenant au caractère distinctif du signe est consubstantielle au droit des marques précisément parce qu’une marque est un signe qui doit être apte à permettre au consommateur d’identifier l’origine du produit qui en est revêtu.
Selon la législation tant française qu’européenne, ce caractère distinctif doit exister dès l’origine mais peut être acquis par l’usage. C’est précisément ce dernier aspect qui était en cause dans l’affaire ayant conduit le TPIUE à annuler la marque déposée par ADIDAS consistant en un signe figuratif composé de trois bandes noires.
L’équipementier ADIDAS avait en effet déposé une demande d’enregistrement d’un signe figuratif représentant ses célèbres 3 bandes décrites ainsi : « La marque consiste en trois bandes parallèles équidistantes de largeur égale, appliquées sur le produit dans n’importe quelle direction » pour désigner en classe 25 les « vêtements, chaussures ».
La validité de cette marque a été contestée et la division d’annulation a fait droit à la demande en nullité, au motif que la marque en cause était dépourvue de tout caractère distinctif, tant intrinsèque qu’acquis par l’usage. L’équipementier a formé un recours dans lequel il n’a pas contesté l’absence de caractère distinctif intrinsèque de la marque en cause mais a, en revanche, fait valoir que cette marque avait acquis un caractère distinctif par l’usage. Toutefois, la chambre des recours a considéré que la preuve que ladite marque avait acquis, dans l’ensemble de l’Union européenne, un caractère distinctif par l’usage n’était pas rapportée et a donc confirmé la nullité de la marque.
C’est dans ce contexte que l’affaire a été portée devant le TPIUE qui, à son tour, a estimé que le signe n’avait pas acquis de caractère distinctif et a confirmé la nullité de la marque aux termes d’un jugement rendu le 19 juin 2019.
La décision considère, en premier lieu, que certains des éléments de preuve fournis ne sont pas probants et, en second lieu, que les autres sont insuffisants à démontrer le caractère distinctif acquis par l’usage.
Concernant les preuves qui étaient fournies tendant à démontrer l’acquisition du caractère distinctif du signe par l’usage qui en a été fait, le Tribunal rappelle que l’appréciation doit porter sur l’usage de la marque sous la forme sous laquelle celle-ci a été soumise à l’enregistrement et, le cas échéant, enregistrée, mais également sur l’usage de la marque sous des formes qui ne diffèrent de cette forme que par des variations négligeables et qui, de ce fait, peuvent être considérées comme globalement équivalentes à ladite forme.
Or, compte tenu de l’extrême simplicité de la marque en cause, dans la mesure où cette marque présentait relativement peu de caractéristiques et consistait en trois lignes noires parallèles dans une configuration rectangulaire sur un fond blanc, même une légère variation pouvait entraîner une altération significative des caractéristiques de la marque, de sorte que la forme modifiée ne pourra pas être considérée comme globalement équivalente à la forme enregistrée de ladite marque. En effet, plus une marque est simple, moins elle est susceptible d’avoir un caractère distinctif et plus une modification apportée à cette marque est susceptible d’affecter une de ses caractéristiques essentielles et d’altérer ainsi la perception de ladite marque par le public pertinent.
Le Tribunal conclut donc que la chambre de recours était fondée à écarter les éléments de preuve montrant non la marque en cause, mais d’autres signes consistant en trois bandes blanches (ou claires) sur un fond noir (ou foncé).
Concernant la preuve de l’acquisition du caractère distinctif du signe, le Tribunal encore se montrer particulièrement rigoureux. En particulier, il estime que les images produites en grand nombre ne fournissent aucune indication sur l’importance et la durée de l’usage ni sur l’impact dudit usage sur la perception de cette marque par le public pertinent. Elles ne permettent pas de démontrer que cet usage a été suffisant pour qu’une fraction significative du public pertinent identifie grâce à la marque en cause le produit comme provenant d’une entreprise déterminée. S’agissant ensuite des données relatives au chiffre d’affaires et aux dépenses de marketing et de publicité, il conclut au fait qu’il n’est pas possible d’établir un lien entre les données chiffrées fournies par la requérante et la marque en cause ainsi qu’entre ces données et les produits en cause, et qu’elles ne sont donc pas pertinentes pour démontrer l’acquisition du caractère distinctif par l’usage.
La décision est pour le moins sévère : on sait que la preuve de l’acquisition du caractère distinctif d’un signe est délicate certes, mais dans cette affaire il nous semble que les juges ont fait montre d’une rigueur excessive. Pour limiter la portée de cette décision, on rappellera toutefois qu’elle ne concerne que la marque européenne, les titres nationaux restant, pour leur part, valides.
A rapprocher : Article 7, § 1, du règlement UE n°207/2009 du 26 février 2009 sur la marque communautaire (devenu art. 7, § 3, du règlement UE 2017/1001 du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne)