En 2018, (I) la clientèle chinoise représentait un tiers de la clientèle mondiale du luxe, (II) les clients chinois ont réalisé 27% de leurs achats en Chine et non à l’étranger, et (III) les achats de produits de luxe en Chine ont représenté une valeur d’environ 25 milliards d’euros (170 milliards de RMB), soit un bond de + 20% par rapport à 2017.
Selon « Hurun Research Institute Chinese Luxury Travel and Lifestyle Survey 2018 », la France est la 3ème destination privilégiée par la clientèle chinoise de tourisme de luxe en 2018.
Avant de se lancer sur le marché chinois, riche en opportunités, il est impératif de prendre les précautions nécessaires de protection, en Chine, des éléments de propriété intellectuelle en procédant à des enregistrements. Pour lutter contre la contrefaçon des marques étrangères en Chine et gérer les contentieux de propriété intellectuelle, la Chine a renforcé son dispositif et créé à Pékin une cour d’appel « spécialisée en propriété intellectuelle » auprès de la Cour Suprême chinoise, laquelle est opérationnelle depuis le 01/01/2019.
Pour mémoire :
Les achats de produits de luxe en Chine ont représenté une valeur d’environ 25 milliards d’euros (170 milliards de RMB) en 2018, soit un bond de + 20% par rapport à 2017.
Marché du luxe en Chine (2011-2018)
Même si la croissance du marché du luxe en Chine a eu tendance à ralentir sur la période de 2013-2015, conséquence de la campagne de lutte contre la corruption menée par le Président chinois Xi Jinping, la croissance a repris de la vigueur ces 3 dernières années (2016-2018), avec une croissance de 45% en l’espace de 3 ans.
Source : www.boursier.com
Bain & Company identifie les facteurs essentiels à la croissance du marché chinois : la réduction des droits d’importation et des contrôles plus stricts exercés sur les marchés gris, combinés aux efforts des marques pour réduire l’écart de prix par rapport aux marchés étrangers, ont amené davantage de consommateurs Chinois à faire leurs achats de luxe en Chine, au lieu de se déplacer à Hong Kong, Séoul, Tokyo ou encore dans les villes d’Europe.
Marché international du luxe (zoom Chine)
Si les Chinois avaient tendance à dépenser leur argent dans les produits de luxe lors de voyage à l’étranger, leurs habitudes sont en pleine mutation. Les clients Chinois devraient réaliser 50% de leurs achats en Chine et non plus à l’étranger en 2025.
Cette tendance obligera ainsi les marques de luxe à s’adapter particulièrement aux clients Chinois qui ne voyagent pas, et aux spécificités, en local, du marché chinois.
Pour approfondir :
I. Le marché des marques étrangères de luxe en Chine
I.1. L’influence des marques internationales en Chine
Malgré la présence de plus en plus importante de marques de luxe chinoises (comme NE Tiger (Prêt-à-porter) ou Chow Tai Fook (Bijoux)), ces dernières font face à l’influence des marques internationales. Des places sont encore à prendre en ce qui concerne l’alcool (dont le vin), la restauration et l’hôtellerie, et les produits de beauté ou les SPA.
Agility’s Brand Index Rankings est un classement des marques les plus populaires dans le monde et notamment en Chine.
Sans surprise, on retrouve des marques internationales très réputées à la tête de ce classement, mais également des marques de pays spécifiques à la tête de chaque catégorie, telles que : Rolex, Vacheron Constantin et Longines pour les montres (marques suisses) et Chanel, Dior et Hermès pour les vêtements et accessoires (marques françaises). Le pays d’origine d’une marque a aujourd’hui encore une influence capitale en Chine.
Top destinations des dépenses des consommateurs de luxe chinois (2017)
En 2017, la France se classait dans le Top 4 des destinations de dépense des consommateurs de luxe chinois (rapport McKinsey « 2017 China Luxury Report »).
En 2018, la France est remontée à la 3ème place des tops destinations touristiques de luxe des consommateurs Chinois.
Top destinations touristiques de luxe des consommateurs Chinois (2018)
Source : Hurun Research Institute Chinese Luxury Travel and Lifestyle Survey 2018
Pour les consommateurs Chinois, le pays d’origine constitue un critère majeur dans le déclenchement du processus d’achat d’un produit de luxe.
Ainsi, l’héritage du savoir-faire permet aux marques européennes de conserver une place de choix quand il s’agit des montres pour les marques suisses, de la cosmétique, vêtements et maroquinerie pour les marques françaises, ou encore, de l’automobile pour les marques allemandes.
Les marques de luxe doivent toutefois faire attention à ne pas surcibler un marché (c’est-à-dire trop modifier leur collection ou leur communication afin de s’adapter au goût chinois), au risque de perdre l’identité, les racines et la symbolique du pays d’origine.
Cet héritage rassure les consommateurs Chinois. Il leur fait aussi appréhender un univers de représentations historiques et de symboles, à l’instar de la culture traditionnelle chinoise.
I.2. L’influence des marques françaises en Chine
Si la France s’illustre dans de nombreux domaines, la mode et l’art de vivre à la française restent très prisés par la clientèle chinoise.
La France est associée aux symboles de savoir-faire, de qualité et de bon goût. Les compétences et techniques transmises au fil des générations par les artisans du luxe représentent de surcroit un gage d’excellence.
Sur les 7 principales capitalisations du CAC 40 en France, 3 sont issues du secteur du luxe avec LVMH, Kering et Hermès.
Le luxe répond aux critères de la classe sociale aisée chinoise. La société d’études française Ipsos rappelle que le modèle chinois est « fondé sur le pouvoir, le savoir et la richesse », ce qui n’est pas en contradiction avec « le modèle aspirationnel occidental de performance et d’accumulation des biens ».
En règle générale, posséder un vêtement de marque ou un accessoire luxueux permet d’affirmer son statut social, son assurance auprès de son entourage. C’est également un témoin de ses capacités financières.
De plus, le luxe permet de se distinguer, car l’apparence en Chine est importante. Cela se rapproche du concept chinois du « Mianzi 面子 », c’est-à-dire la face, l’apparence, « la façon qu’une personne est perçue en société ». Ainsi, adopter une marque de luxe est une manière de mettre en avant son style de vie. Cela confère du prestige et génère du respect au sein du cercle social.
Selon la Fédération de la Haute Couture et de la Mode en France, la Chine est le 5ème client le plus important de la France dans le domaine de luxe.
II. La contrefaçon et la protection juridique des marques en Chine
II.1. Le défi de la lutte contre la contrefaçon
Le commerce de produits contrefaits n’a cessé de prendre de l’ampleur ces dernières années et se situait à 3.3 % des échanges mondiaux en 2016, selon le rapport de l’OCDE et de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO).
Selon ce rapport intitulé « Trends in Trade in Counterfeit and Pirated Goods » en date du 18/03/2019, la valeur des produits de contrefaçon importés s’est élevée en 2016, à l’échelon international, sur la base des chiffres des saisies douanières réalisées cette année‑là, à 509 milliards USD contre 461 milliards USD en 2013 (soit 2.5 % des échanges mondiaux).
Dans l’Union européenne, le commerce de contrefaçons a frôlé les 6.8 % des importations en provenance de pays non membres de l’UE, contre 5 % en 2013. Ces chiffres n’incluent ni les produits de contrefaçon fabriqués et consommés sur les marchés intérieurs, ni les produits piratés commercialisés via l’internet.
Le commerce de produits de contrefaçon, qui porte atteinte aux marques et droits d’auteur, génère des bénéfices au profit du crime organisé aux dépens des entreprises et des États.
Les biens ayant composé, la plus grande part des saisies réalisées en 2016 ont été les chaussures, les vêtements, les articles en cuir, les montres, les parfums, les jouets, les bijoux :
La majorité des produits contrefaits saisis lors de contrôles douaniers proviennent de Chine et de Hong Kong.
En 2016, les principales victimes de ce fléau ont été les États‑Unis, dont certaines marques ou brevets ont été utilisés pour 24 % des produits de contrefaçon saisis, suivis de la France (17 %), de l’Italie (15 %), de la Suisse (11 %) et de l’Allemagne (9 %).
Lutter contre à la contrefaçon est un défi essentiel pour les marques en général et pour les marques de luxe en particulier.
Premièrement, la contrefaçon représente une perte directe de chiffre d’affaires de la part des consommateurs qui consomment volontairement des produits contrefaits. Deuxièmement, une marque associée à la contrefaçon peut voir son image dégradée dans l’esprit des consommateurs, également facteur de perte de chiffre d’affaires à long terme.
La contrefaçon est donc un fléau qui impacte non seulement les consommateurs Chinois mais aussi les pays étrangers. Selon l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), la contrefaçon ferait perdre 434 000 emplois en Europe, ainsi que 60 milliards d’euros chaque année.
Les entreprises doivent donc adapter leur stratégie aux spécificités chinoises, que ce soit au niveau du comportement du consommateur ou de la communication à adopter, et surtout s’assurer de la protection de leurs marques, en amont de tout développement sur la Chine.
Les procès des marques telles que « New Balance » ou « Michael Jordan » ont suscité beaucoup d’attention du public ces dernières années.
La justice chinoise a donné raison, en date du 18/08/2017 au fabricant américain de chaussures New Balance contre des entreprises chinoises accusées d’avoir contrefait son célèbre logo «N» et lui a accordé 1,27 M€ en dommages et intérêts, une rare victoire pour une marque occidentale dans ce genre d’affaire en Chine. (Tribunal de Suzhou, n° 2017苏05民初537号)
La Cour suprême chinoise a jugé, en date du 08/12/2016, que l’entreprise chinoise poursuivie devait s’arrêter d’inscrire le mot « Qiaodan » correspondant à la traduction phonétique de Michael Jordan (« 乔丹 ») en caractères chinois sur ses produits baskets en Chine. En revanche cette même entreprise chinoise pouvait continuer à utiliser le mot « Qiaodan » en lettre latine en Chine. (Cour suprême, n° 2016最高法行再29号)
II.2. L’E-commerce en Chine
Le moteur de croissance du secteur de luxe en Chine est lié au numérique : les ventes de produits de luxe en ligne ont augmenté de 27 % en 2018 pour atteindre 10 % des ventes totales, bénéficiant notamment aux produits cosmétiques.
Aujourd’hui, les ventes demeurent soutenues par l’expansion rapide de la classe moyenne, censée constituer deux tiers des ménages chinois d’ici 2027. Autant de nouveaux acheteurs de produits de luxe en perspective.
Ce boom numérique est un défi qui impose de repenser les organisations, mais aussi une opportunité pour les acteurs du luxe.
Selon le directeur général délégué du groupe LVMH, les ventes en ligne représentent déjà entre 8 % et 10 % du marché du luxe. En 2018, le groupe LVMH a réalisé près de 3,5 milliards d’euros de vente online, soit une croissance de 30 % sur un an. L’E-commerce devrait atteindre 20 % à 25 % du secteur en 2025-2030.
Victime de leur succès, les plateformes E-commerce en général, subissent donc de plus en plus les contrefaçons.
Parfum « Gogo Chenale » (lire « Coco Chanel »), chaussures « Ababis » (lire « Adidas ») ou boxers « Caiwen Kani » copiés sur Calvin Klein. Les contrefaçons continuent à polluer le marché, détériorer la notoriété des marques, et tromper les consommateurs.
Devant la multiplication de ces exemples de contrefaçon, le législateur chinois a adopté, le 31 août 2018, la loi sur l’Ecommerce afin d’encadrer cette activité (中华人民共和国电子商务法) (la « Loi de l’E-commerce »), laquelle est entrée en vigueur le 1er janvier 2019.
La Loi de l’E-commerce :
- définit les réglementations applicables aux exploitants, contrats, litiges et obligations de responsabilité dans l’E-commerce ;
- vise à «protéger les droits et intérêts juridiques de toutes les parties» et à maintenir l’ordre du marché», exige que tous les opérateurs d’E-commerce protègent les droits et intérêts des consommateurs, ainsi que les informations personnelles, les droits de propriété intellectuelle, la cybersécurité et l’environnement.
Y a-t-il un intérêt de choisir une voie plutôt qu’une autre ?
Faut-il enregistrer en Chine une marque en caractère chinois ?
Autant de questions qui se posent lors d’un dépôt de marque visant le territoire de la Chine.
- Dépôt de marque nationale en Chine
- Langue / écriture
- Recherche d’efficacité : La décision de la Cour Spécialisée PI a été rendue deux mois après que l’appel ait été interjeté.
- Désir de prévisibilité : La volonté de la haute juridiction est, grâce à la centralisation des appels, d’harmoniser de la jurisprudence dans les affaires hautement techniques en matière de propriété intellectuelle.
- Pour une meilleure protection des droits : Cette première décision impliquant Valeo, société française, est un premier témoignage de la volonté de le Cours Spécialisée PI d’assurer une meilleure protection des droits de propriété intellectuelle des entreprises étrangères en Chine.