CA Dijon, 1ère Ch. civ., 20 mars 2018, n°15/02004
Le fait d’exprimer son avis, qu’il soit positif ou négatif, sur internet quant à une prestation de services, n’est pas fautif en soi. Cependant, il le devient lorsque son auteur n’a pas bénéficié des services ou prestations critiqués, et si l’intention de nuire de l’internaute est caractérisée.
Ce qu’il faut retenir : La Cour d’appel de Dijon, dans un arrêt du 20 mars 2018, rappelle le principe selon lequel le fait d’exprimer son avis, qu’il soit positif ou négatif, sur internet quant à une prestation de services, en l’espèce un service de restauration, n’est pas fautif en soi. Cependant, il le devient lorsque son auteur n’a pas bénéficié des services ou prestations critiqués, et si l’intention de nuire de l’internaute est caractérisée.
Pour approfondir : La Cour d’appel de Dijon a jugé qu’un internaute ayant laissé un avis négatif relatif à un restaurant prestigieux sur le site www.pagesjaunes.fr, avait engagé sa responsabilité délictuelle sur le fondement des dispositions de l’article 1382 du Code civil au motif que le dénigrement de l’établissement était manifeste.
Elle a écarté l’application de l’article 29 de la Loi du 29 juillet 1881 relatif au délit de diffamation, considérant que la critique était dirigée à l’encontre d’une prestation de services, et ne concernait pas une personne physique ou morale.
En l’espèce, la Cour a retenu le caractère nécessairement mensonger du commentaire négatif (« surfait » à destination d’un restaurant prestigieux) dès lors que son auteur l’avait posté quelques jours avant l’ouverture dudit restaurant. Alertée par la société exploitant le restaurant, la société LES PAGES JAUNES avait immédiatement supprimé ce commentaire. Les juges ont, en outre, considéré que la mauvaise foi de l’auteur de la critique était particulièrement caractérisée par les faits de la cause puisque malgré cette suppression, l’internaute l’avait à nouveau posté dans des termes identiques, quelques jours plus tard, soit le jour même de l’ouverture, et qu’il l’avait modifié à plusieurs reprises, réitérant ainsi ses propos dénigrants, sans qu’il ne démontre avoir effectivement pris un quelconque repas dans l’établissement visé.
La preuve était ainsi rapportée que les commentaires peu flatteurs étaient uniquement destinés à dissuader une potentielle clientèle à fréquenter le restaurant.
La Cour d’appel a jugé que le comportement de l’auteur des avis litigieux révélait son intention de nuire caractérisant la faute exigée par l’ancien article 1382 du Code civil, pour retenir un dénigrement manifeste.
L’auteur a donc été condamné à verser des dommages-intérêts tendant à indemniser le préjudice financier ainsi que l’atteinte à l’image du restaurant, outre les frais de procédure.
Toutefois, le principe demeure : le commentaire critique de services ou de prestations publié sur un site internet n’est pas en soi constitutif d’une faute, sauf circonstances particulières démontrant l’intention de nuire.
A rapprocher : Art. 1382 ancien du Code civil ; Art. 1240 nouveau du Code civil ; Art. 29 de Loi du 29 juillet 1881