Décrets n°2017-1434, 2017-1435 et 2017-1436 du 29 septembre 2017 (JO, 5 oct. 2017)
Trois décrets pris en application de la loi numérique ont été publiés au Journal Officiel du 5 octobre 2017 et entreront en vigueur les 1er janvier 2018 et 1er janvier 2019.
Ce qu’il faut retenir : Trois décrets pris en application de la loi numérique ont été publiés au Journal Officiel du 5 octobre 2017 et entreront en vigueur les 1er janvier 2018 et 1er janvier 2019. Ils précisent les obligations de transparence et de loyauté pesant sur les plateformes numériques prévues par la Loi °2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République Numérique.
Pour approfondir : Le Décret n°2017-1434 relatif aux obligations d’information des opérateurs de plateformes numériques, le Décret n°2017-1435 relatif à la fixation d’un seuil de connexion à partir duquel les opérateurs de plateformes en ligne élaborent et diffusent des bonnes pratiques pour renforcer la loyauté, la clarté et la transparence des informations transmises aux consommateurs et le Décret n°2017-1436 relatif aux obligations d’information relatives aux avis en ligne de consommateurs, viennent d’être publiés au JO du 5 octobre 2017.
Ces textes concernent les plateformes numériques dont la définition est donnée par l’article L. 111-7 du Code de la consommation (dans sa rédaction issue de la Loi n°2016-1321) en ces termes :
« I.- Est qualifiée d’opérateur de plateforme en ligne toute personne physique ou morale proposant, à titre professionnel, de manière rémunérée ou non, un service de communication au public en ligne reposant sur :
1° Le classement ou le référencement, au moyen d’algorithmes informatiques, de contenus, de biens ou de services proposés ou mis en ligne par des tiers ;
2° Ou la mise en relation de plusieurs parties en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un contenu, d’un bien ou d’un service ».
Sont donc concernés les comparateurs, les moteurs de recherche, les plateformes collaboratives, les market places, les réseaux sociaux, etc.
La Loi pour une République Numérique avait donné cette définition et posé une obligation d’information « loyale, claire et transparente » à la charge des opérateurs de ces plateformes, le texte précité se poursuit ainsi :
« II. – Tout opérateur de plateforme en ligne est tenu de délivrer au consommateur une information loyale, claire et transparente sur :
1° Les conditions générales d’utilisation du service d’intermédiation qu’il propose et sur les modalités de référencement, de classement et de déréférencement des contenus, des biens ou des services auxquels ce service permet d’accéder ;
2° L’existence d’une relation contractuelle, d’un lien capitalistique ou d’une rémunération à son profit, dès lors qu’ils influencent le classement ou le référencement des contenus, des biens ou des services proposés ou mis en ligne ;
3° La qualité de l’annonceur et les droits et obligations des parties en matière civile et fiscale, lorsque des consommateurs sont mis en relation avec des professionnels ou des non-professionnels » (C. conso., art. L. 111-7, II) ».
Un décret précise les conditions d’application du présent article en tenant compte de la nature de l’activité des opérateurs de plateforme en ligne.
Ce décret précise, par ailleurs, pour tout opérateur de plateforme en ligne dont l’activité consiste en la fourniture d’informations permettant la comparaison des prix et des caractéristiques de biens et de services proposés par des professionnels, les informations communiquées aux consommateurs portant sur les éléments de cette comparaison et ce qui relève de la publicité au sens de l’article 20 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique.
Ce décret fixe également les modalités selon lesquelles, lorsque des professionnels, vendeurs ou prestataires de services sont mis en relation avec des consommateurs, l’opérateur de plateforme en ligne met à leur disposition un espace leur permettant de communiquer aux consommateurs les informations prévues aux articles L. 221-5 et L. 221-6.»
L’article L.111-7-2 du code de la consommation contient quant à lui des obligations relatives à la publication d’avis en ligne par ces plateformes.
Les trois décrets du 29 septembre 2017 viennent éclairer les conditions de mise en œuvre de ces textes sur les points suivants :
1/ Contenu de l’information à fournir
- Comparateurs
Le décret modifie tout d’abord les dispositions existantes relatives aux comparateurs (articles D.111-6 à D.111-10, devenus D.111-10 à D.111-14 du code de la consommation) pour remplacer les occurrences des mots « à l’article L.111-6 » par « au 9ème alinéa de l’article L.111-7 ».
Les comparateurs sont donc soumis aux obligations des plateformes numériques.
- Modalités de référencement / déréfencement / classement (article D. 111-7 du code de la consommation)
L’article D.111-7 du code de la consommation prévoit que tous les opérateurs de plateformes mentionnées à l’article L.111-7-I doivent prévoir une rubrique spécifique dédiée aux modalités de référencement, déréfencement et classement avec les informations suivantes :
- à propos du référencement / déréfencement (article D. 111-7-I)
1° Les conditions de référencement et de déréférencement des contenus et des offres de biens et services, notamment les règles applicables pour être référencé et les obligations dont le non-respect conduit à être déréférencé ;
2° Les critères de classement par défaut des contenus et des offres de biens et services, ainsi que leur principaux paramètres ;
3° Le cas échéant, l’existence d’un lien capitalistique ou d’une rémunération entre l’opérateur de plateforme et les offreurs référencés dès lors que ce lien ou que cette rémunération exercent une influence sur le référencement ou le classement des contenus, des biens ou des services proposés ou mis en ligne.
- à propos du classement (article D. 111-7-II)
Pour chaque résultat de classement, à proximité de l’offre ou du contenu classé, tout opérateur de plateforme en ligne fait apparaître, par tout moyen distinguant ce résultat, l’information selon laquelle son classement a été influencé par l’existence d’une relation contractuelle, d’un lien capitalistique ou d’une rémunération entre l’opérateur de plateforme et l’offreur référencé, y compris sur ce qui relève de la publicité au sens de l’article 20 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance en l’économie numérique.
Tout opérateur de plateforme en ligne fait apparaître, de manière lisible et aisément accessible, sur chaque page de résultats, le critère de classement utilisé ainsi que la définition de ce critère, y compris par renvoi à la rubrique mentionnée au I.
- Obligations pour les plateformes mettant en relation des parties (article D.111-8 et D.111-9)
L’article D. 111-8 du code de la consommation indique que tous les opérateurs de plateformes mentionnées à l’article L. 111-7-I-2° (donc ceux qui ont pour activité de mettre en relation de plusieurs parties (plateformes collaboratives, places de marché ou « marketplaces ») doivent prévoir une rubrique spécifique directement et aisément accessible à partir de toutes les pages du site, sans que l’utilisateur ait besoin de s’identifier, comprenant les informations suivantes :
« 1° La qualité des personnes autorisées à déposer une offre de biens et de services, et notamment leur statut de professionnel ou de consommateur ;
2° Le descriptif du service de mise en relation, ainsi que la nature et l’objet des contrats dont il permet la conclusion ;
3° Le cas échéant, le prix du service de mise en relation ou le mode de calcul de ce prix, ainsi que le prix de tout service additionnel payant, lorsqu’ils sont mis à la charge du consommateur ;
4° Le cas échéant, les modalités de paiement et le mode de gestion, opéré directement ou par un tiers, de la transaction financière ;
5° Le cas échéant, les assurances et garanties proposées par l’opérateur de plateforme ;
6° Les modalités de règlement des litiges et, le cas échéant, le rôle de l’opérateur de plateforme dans ce règlement ».
Les opérateurs qui mettent en relation des consommateurs ou des non-professionnels entre eux, à titre principal ou accessoire doivent également (article D.111-8-II) indiquer de manière lisible et compréhensible :
1° La qualité de l’offreur, selon que l’offre est proposée par un professionnel ou par un consommateur ou non-professionnel, en fonction du statut déclaré par celui-ci ;
2° Si l’offre est proposée par un consommateur ou un non-professionnel :
a) préalablement au dépôt de l’offre, les sanctions encourues par l’offreur s’il agit à titre professionnel alors qu’il se présente comme un consommateur ou un non-professionnel, en application des dispositions de l’article L. 132-2 ;
b) pour chaque offre :
- le prix total des biens ou des services proposés, y compris, le cas échéant, les frais de mise en relation et tous les frais supplémentaires exigibles, sur la base du prix déclaré par l’offreur;
- le droit de rétractation lorsque les parties au contrat l’ont prévu, ou, à défaut, l’absence de droit de rétractation pour l’acheteur au sens de l’article L. 221-18 ;
- l’absence de garantie légale de conformité des biens mentionnée aux articles L. 217-4 et suivants et l’application des dispositions des articles 1641 et suivants du code civil relatifs à la garantie des défauts de la chose vendue ;
- les dispositions du code civil relatives au droit des obligations et de la responsabilité civile applicables à la relation contractuelle, par l’affichage d’un lien hypertexte.
2/ Seuil à partir duquel les plateformes doivent élaborer et diffuser des bonnes pratiques :
L’article L.111-7-1 du code de la consommation prévoyait :
« Les opérateurs de plateformes en ligne dont l’activité dépasse un seuil de nombre de connexions défini par décret élaborent et diffusent aux consommateurs des bonnes pratiques visant à renforcer les obligations de clarté, de transparence et de loyauté mentionnées à l’article L. 111-7.
L’autorité administrative compétente peut procéder à des enquêtes dans les conditions prévues à l’article L. 511-6 afin d’évaluer et de comparer les pratiques des opérateurs de plateformes en ligne mentionnées au premier alinéa du présent article. Elle peut, à cette fin, recueillir auprès de ces opérateurs les informations utiles à l’exercice de cette mission. Elle diffuse périodiquement les résultats de ces évaluations et de ces comparaisons et rend publique la liste des plateformes en ligne qui ne respectent pas leurs obligations au titre de l’article L. 111-7. ».
Le Décret n°2017-1435 (qui crée un article D.111-15-I du code de la consommation) fixe le seuil du nombre de connexions au-delà duquel les opérateurs de plateformes en ligne élaborent et diffusent des bonnes pratiques. Ce seuil est fixé à 5 millions de visiteurs uniques par mois, par plateforme, calculé sur la base de la dernière année civile. Lorsqu’il s’agit de plateformes de mise en relation de plusieurs parties en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un contenu, d’un bien ou d’un service, le nombre de connexion est déterminé au regard de la seule activité de mise en relation.
Une fois ce seuil dépassé, l’opérateur dispose d’un délai de 6 mois pour se mettre en conformité avec l’article L.111-7-1 du code de la consommation.
Ce décret en en vigueur le 1er janvier 2019.
3/ Avis en ligne
Le communiqué de presse du Ministre de l’Economie et du Secrétaire d’Etat au Numérique du 5 octobre 2017 rappelle qu’un internaute sur deux consulte les avis en ligne avant de procéder à un achat justifiant ainsi la nécessité d’encadrer les conditions de publication de tel avis.
L’article L117-1-2 du code de la consommation introduit par la loi sur une République Numérique prévoit déjà :
« Sans préjudice des obligations d’information prévues à l’article 19 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique et aux articles L. 111-7 et L. 111-7-1 du présent code, toute personne physique ou morale dont l’activité consiste, à titre principal ou accessoire, à collecter, à modérer ou à diffuser des avis en ligne provenant de consommateurs est tenue de délivrer aux utilisateurs une information loyale, claire et transparente sur les modalités de publication et de traitement des avis mis en ligne.
Elle précise si ces avis font ou non l’objet d’un contrôle et, si tel est le cas, elle indique les caractéristiques principales du contrôle mis en œuvre.
Elle affiche la date de l’avis et ses éventuelles mises à jour.
Elle indique aux consommateurs dont l’avis en ligne n’a pas été publié les raisons qui justifient son rejet.
Elle met en place une fonctionnalité gratuite qui permet aux responsables des produits ou des services faisant l’objet d’un avis en ligne de lui signaler un doute sur l’authenticité de cet avis, à condition que ce signalement soit motivé.
Un décret, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, fixe les modalités et le contenu de ces informations ».
Le Décret n°2017-1436 précise les modalités et le contenu des informations à fournir au titre de l’article L.117-1-2 du code de la consommation. Le Décret introduit quatre articles (articles D.111-16 à D.111-19 du code de la consommation), lesquels précisent les points suivants :
- définition d’un avis en ligne : expression de l’opinion d’un consommateur sur son expérience de consommation grâce à tout élément d’appréciation, qu’il soit qualitatif ou quantitatif. L’expérience de consommation s’entend que le consommateur ait ou non acheté le bien ou le service pour lequel il dépose un avis. Ne sont pas considérés comme des avis en ligne au sens de l’article L.111-7-2, les parrainages d’utilisateurs, les recommandations par des utilisateurs d’avis en ligne, ainsi que les avis d’experts ;
- informations à fournir : il conviendra de préciser à proximité des avis : l’existence ou non d’une procédure de contrôle, la date de publication de chaque avis et l’expérience de consommation concernée, les critères de classement des avis dont le classement chronologique. Une rubrique spécifique facilement accessible devra être prévue laquelle comportera l’information sur l’existence ou non d’une contrepartie en échange du dépôt d’avis, le délai maximum de publication et de conservation des avis.
Si un contrôle est exercé, cette même rubrique devra également comporter des précisions sur les caractéristiques du contrôle des avis au moment de leur collecte, de leur modération ou de leur diffusion, la possibilité le cas échéant de contacter le consommateur auteur de l’avis, la possibilité ou non de modifier un avis et les modalités de cette modification, les motifs justifiant un refus de publication de l’avis.
Bien entendu, ces opérations devront être effectuées dans le strict respect des conditions de la loi informatique et libertés.
- refus de publication : en cas de refus de publication d’un avis, son auteur doit être informé des motifs de ce refus par tout moyen approprié.
Ces dispositions entrent en vigueur le 1er janvier 2018.
Le délai pour se mettre en conformité est court puisque les nouvelles dispositions entrent en vigueur le 1er janvier 2018 et le 1er janvier 2019. A défaut, les sanctions encourues sont importantes (l’article L.131-4 du code de la consommation vise une amende administrative maximum de 75.000 euros pour une personne physique et de 375.000 euros pour une personne morale).
Ces textes parachèvent ainsi la mise en place d’un régime juridique des plateformes numériques, devenues un acteur majeurs de l’économie, et renforcent les obligations de loyauté et de transparence à l’égard des consommateurs.
A rapprocher : Loi pour une République Numérique du 7 octobre 2016 (Loi n°2016-1321)