CA Versailles, 21 juin 2016, RG n°15/00612
Les titulaires de marques se sont émus de la pratique consistant, pour des concurrents (voire même des distributeurs de produits contrefaisants), à utiliser leur marque comme mot-clé, grâce au système de référencement Google Adwords, afin de générer un lien promotionnel lorsque l’internaute effectue une requête sur ce mot-clé aux fins de promouvoir leurs propres produits.
Les titulaires de marques se sont émus de la pratique consistant, pour des concurrents (voire même des distributeurs de produits contrefaisants), à utiliser leur marque comme mot-clé, grâce au système de référencement Google Adwords, afin de générer un lien promotionnel lorsque l’internaute effectue une requête sur ce mot-clé aux fins de promouvoir leurs propres produits.
Le régime juridique s’est clarifié sous l’impulsion de la CJUE, suivie par les juridictions françaises, qui ont établi les conditions dans lesquelles un tel usage de la marque d’autrui est susceptible de constituer une contrefaçon.
La Cour d’appel de Versailles (CA Versailles, 21 juin 2016, RG n°15/00612) a eu récemment l’occasion d’appliquer les principes juridiques ainsi dégagés dans une affaire opposant deux sociétés concurrentes sur le marché des revêtements de sol.
Une société a constaté que, lors de la saisie du nom de sa marque dans le moteur de recherche Google, la page des résultats affichait en première position dans un encadré dédié aux liens commerciaux, un lien vers le site internet d’une société concurrente.
Estimant que ces agissements étaient de nature à porter atteinte à sa marque elle a en conséquence assigné en contrefaçon la société ayant généré ledit lien commercial.
Par cet arrêt, la Cour reprend les principes posés par la CJUE (arrêt du 23 mars 2010, aff. C-236/08) pour apprécier, au cas par cas, l’existence d’un acte de contrefaçon résultant de l’utilisation par un concurrent de la marque d’autrui à titre de mots-clés dans le système Adword de Google.
La CJUE avait, en effet, invité les juridictions nationales à s’assurer, dans chaque espèce, de la caractérisation d’une atteinte à la fonction de la marque d’identification de l’origine des produits et services au regard du contenu de l’annonce générée, en particulier d’un rattachement avec le titulaire de la marque. L’utilisation de la marque d’autrui comme mot-clé dans le système Adwords n’est pas, en soi, un acte de contrefaçon, tout dépend des termes de l’annonce qui va être visible par l’internaute.
En l’espèce, les juges vont mener cette analyse spécifique. L’examen de l’annonce générée va révéler que celle-ci comporte, outre l’adresse de la société et un message publicitaire, le nom de la marque en question. Aussi, les marques ne sont pas seulement utilisées à titre de mot-clé (ce qui en soi ne constitue pas un acte de contrefaçon) mais également dans le texte même des accroches commerciales.
Les juges vont donc conclure à l’existence d’actes de contrefaçon. L’atteinte à la fonction essentielle de la marque, qui est de garantir l’identité d’origine des produits et services marqués, est ici caractérisée : les internautes consultant les résultats affichés en réponse suite à une requête sur la marque, ne sont pas en mesure de distinguer les produits et services du titulaire de la marque de ceux qui ont une autre provenance.
L’arrêt applique donc une solution devenue classique (voir par exemple, Cass.com., 25 sept. 2012, pourvoi n°11-18110). La solution est identique lorsque l’action est fondée sur la concurrence déloyale : le seul usage de la marque d’autrui en tant que mot-clé n’est pas illicite. La reprise à titre de mot-clé de la dénomination, du nom de domaine, de la marque, etc., d’un concurrent ne constitue pas, en soi, une faute, il convient de rechercher des éléments factuels de nature à établir la déloyauté (Cass.com., 29 janvier 2013, pourvoi n°11-21011).
Le référencement d’un site, l’usage de méta-tags et de mots-clés dans le cadre du référencement payant, doit être mené habilement. Si par principe, il n’est pas interdit d’utiliser la marque d’un concurrent comme mot-clé non visible par l’internaute, pour autant tout n’est pas permis et cette utilisation doit se faire dans le respect des droits sur la marque ce qui implique, en premier lieu, d’éviter tout risque de confusion et de rattachement avec le titulaire de la marque.
L’internaute doit pouvoir, sans ambiguïté, identifier l’origine des produits et services qui lui sont proposés.