CJUE, 8 novembre 2016, aff. C-43/15
Le « risque de confusion » est une notion centrale en droit des marques qui se retrouve tant au niveau des conditions d’acquisition, et notamment pour apprécier l’atteinte éventuelle à des droits antérieurs, qu’au niveau de l’exploitation et de la défense de celle-ci lorsqu’il s’agit de caractériser une contrefaçon.
Le « risque de confusion » est une notion centrale en droit des marques qui se retrouve tant au niveau des conditions d’acquisition, et notamment pour apprécier l’atteinte éventuelle à des droits antérieurs, qu’au niveau de l’exploitation et de la défense de celle-ci lorsqu’il s’agit de caractériser une contrefaçon.
La CJUE, réunie en Grande Chambre, a rendu le 8 novembre 2016 (aff. C-43/15) un arrêt sur l’appréciation du risque de confusion dans le cadre d’une procédure d’opposition à l’enregistrement d’une marque européenne.
Dans cette affaire, une société avait procédé au dépôt d’une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne devant l’EUIPO (anciennement dénommé l’OHMI et rebaptisé après l’adoption du Règlement sur la marque européenne n°2015/2424 à l’occasion de la réforme dite « paquet marque » qui a également renommé la marque communautaire la marque de l’Union européenne).
Or, une opposition avait été formée à l’enregistrement de cette demande de marque fondée sur des marques nationales antérieures similaires. On sait, en effet, que sont susceptibles de constituer des antériorités à une marque de l’Union européenne non seulement les marques de l’Union antérieures en vigueur, mais aussi l’ensemble des marques nationales enregistrées auprès des offices de chacun des pays membres.
La particularité de cette affaire résidait dans le fait, qu’en l’espèce, les marques antérieures opposées, et tenant en échec la demande de l’enregistrement litigieuse, présentaient avec celle-ci un élément commun dont le caractère distinctif était particulièrement faible.
Les décisions de l’EUIPO, de la Chambre des recours et du Tribunal de l’Union européenne, ont admis le bien-fondé de l’opposition.
Un pourvoi avait donc été formé aux termes duquel, en synthèse, il était fait grief au Tribunal d’avoir adopté une conception erronée du « risque de confusion » dont la conséquence serait que le recoupement entre deux marques au niveau d’un élément purement descriptif, suffit à créer un tel risque ce qui, selon le pourvoi, reviendrait à admettre la monopolisation d’une indication purement descriptive que l’article 7§1 b) et c) du Règlement 40/94 prohibe (selon ces textes : « Sont refusées à l’enregistrement : (…) a) les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif, c) les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner, l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation de service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci »).
La question est en effet essentielle : peut-on considérer qu’il existe un risque de confusion lorsque le seul point commun entre le signe dont l’enregistrement est contesté et le signe antérieur sur lequel l’opposition est fondée, est faiblement distinctif ?
La Cour va répondre positivement avançant, notamment, les arguments suivants :
1/ Selon une jurisprudence désormais établie, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion entre les signes en présence, le caractère distinctif de la marque antérieure, qui doit être pris en considération, n’est qu’un élément parmi d’autres intervenant lors de cette appréciation.
La Cour a déjà jugé que le risque de confusion est d’autant plus élevé que le caractère distinctif de la marque antérieure est important, mais pour autant un tel risque n’est pas exclu lorsque le caractère distinctif de la marque antérieure est faible.
En conséquence, en dépit de la faible distinctivité des marques fondant l’opposition, le Tribunal a pu conclure à l’existence d’un risque de confusion au terme d’une analyse circonstanciée.
2/ La Cour va également rejeter l’argument du pourvoi avançant que cette jurisprudence conduirait à monopoliser des indications descriptives au mépris des règles régissant le droit des marques.
La Cour va en particulier s’attarder sur la coexistence des systèmes nationaux et européen de marques : lorsqu’une marque nationale a été enregistrée, sa validité ne peut être contestée que devant une juridiction nationale en exerçant une action en nullité. Aussi, les instances européennes chargées d’examiner une opposition fondée sur une telle marque ne sont pas habilitées à en apprécier la validité. En somme, lorsqu’une marque nationale existe, c’est qu’elle répond à la condition de distinctivité, que celle-ci soit élevée ou faible.
Cette décision intéresse donc tout autant sur le plan des principes que sur le plan pratique.
Dans le cadre de recherches d’antériorités préalables au dépôt d’une marque (que nous recommandons d’effectuer systématiquement), seront relevées l’ensemble des antériorités existantes parmi lesquelles pourront figurer des marques dont le caractère distinctif est douteux.
Pour autant, il conviendra nécessairement de tenir compte de leur existence et ne pas les écarter au seul motif qu’elles ne présenteraient pas de distinctivité. Ce serait, au vu de cet arrêt, commettre une erreur car, tant que ces marques sont en vigueur, elles constituent des antériorités opposables pouvant tenir en échec une demande d’enregistrement d’un signe postérieur quand bien même le seul élément commun entre lesdits signes en présence serait un élément prétendument dépourvu de distinctivité.