Cass. com., 6 décembre 2016, n°15-18.470
Le caractère distinctif d’un nom de domaine n’est pas une condition préalable à l’exercice de l’action en concurrence déloyale exercée pour sanctionner sa reprise par un tiers car il s’agit d’une condition pour apprécier l’existence d’un risque de confusion.
Ce qu’il faut retenir : Le caractère distinctif d’un nom de domaine n’est pas une condition préalable à l’exercice de l’action en concurrence déloyale exercée pour sanctionner sa reprise par un tiers car il s’agit d’une condition pour apprécier l’existence d’un risque de confusion.
Pour approfondir : Le titulaire d’une marque et de deux noms de domaine avait engagé une action en contrefaçon et en concurrence déloyale du fait de l’usage d’un nom de domaine identique par un concurrent.
Une demande reconventionnelle en nullité de la marque avait été formée pour échapper au grief de contrefaçon. La Cour d’appel avait accueilli cette demande en nullité de la marque la jugeant dépourvue de caractère distinctif mais l’arrêt est cassé par la Haute Cour qui reproche aux juges du fond de s’être fondés sur une pièce non versée aux débats, en l’espèce le dictionnaire historique de la langue française, pour statuer.
La Cour d’appel avait également rejeté l’action en concurrence déloyale engagée au titre de la reprise des noms de domaine, aux motifs que le nom de domaine doit présenter un caractère distinctif, faute de quoi il ne peut prétendre avoir un rôle d’identification de services provenant d’une entreprise particulière et être protégé de concurrents faisant simplement usage d’un nom de domaine usuel, nécessaire ou descriptif.
Le pourvoi faisait grief aux juges du fond d’avoir statué ainsi alors que l’action en concurrence déloyale est ouverte à celui qui ne peut se prévaloir d’un droit privatif et exige seulement l’existence de faits fautifs générateurs d’un préjudice.
Ainsi, le caractère original ou distinctif d’un nom de domaine n’est pas une condition du succès de l’action en concurrence déloyale intentée à l’encontre du titulaire d’un nom de domaine postérieur, mais seulement un critère éventuel d’appréciation du risque de confusion.
Toujours selon le pourvoi, en partant du principe que seul le titulaire d’un nom de domaine présentant un caractère distinctif serait fondé à se prévaloir d’un risque de confusion et en s’abstenant, en conséquence, de rechercher concrètement si le public n’était pas amené à confondre les noms de domaine en litige, la Cour d’appel a violé l’article 1382 du Code civil.
L’argument va prospérer. En effet, la Haute Cour, au visa de l’article 1382 du Code civil devenu l’article 1240 (fondant l’action en concurrence déloyale), va casser l’arrêt en ces termes : « Qu’en statuant ainsi, alors que l’action en concurrence déloyale étant ouverte à celui qui ne peut se prévaloir d’un droit privatif, le caractère original ou distinctif des éléments dont la reprise est incriminée n’est pas une condition de son bien-fondé, mais un facteur susceptible d’être pertinent pour l’examen d’un risque de confusion, la Cour d’appel a violé le texte susvisé ».
L’arrêt est l’occasion de rappeler que le nom de domaine ne fait pas l’objet d’un droit privatif, comme le fait par exemple une marque.
En conséquence, sa protection, indirecte, passe par l’exercice d’une action en concurrence déloyale laquelle suppose de démontrer l’existence d’un risque de confusion mais ne nécessite pas de démontrer que le nom de domaine répond à la condition de distinctivité (condition de protection d’une marque).
Cela n’exclut pas que le caractère plus ou moins distinctif du nom de domaine puisse rejaillir sur l’appréciation de l’existence d’un risque de confusion.
A rapprocher : article 1382 du Code civil devenu article 1240 du Code civil