L’acquisition du caractère distinctif par l’usage

Cass. com., 6 décembre 2016, n°15-19.048

A l’issue d’un long parcours judiciaire, la validité de la marque « vente-privee.com » est reconnue. Son titulaire a pu justifier de l’acquisition de ce caractère par l’usage qu’il en a fait et qui a permis au signe d’acquérir la distinctivité qui lui faisait défaut à l’origine pour devenir une marque valable.

Ce qu’il faut retenir : A l’issue d’un long parcours judiciaire, la validité de la marque « vente-privee.com » est reconnue. Son titulaire a pu justifier de l’acquisition de ce caractère par l’usage qu’il en a fait et qui a permis au signe d’acquérir la distinctivité qui lui faisait défaut à l’origine pour devenir une marque valable.

Pour approfondir : L’affaire avait débuté suite à l’action engagée par la société SHOWROOMPRIVE à l’encontre de la société VENTE PRIVEE afin de faire annuler la marque « vente-privee.com » pour défaut de caractère distinctif. La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt en date du 31 mars 2015 que nous avions commenté (lire ici), avait rejeté la demande en nullité de la marque estimant que celle-ci présentait un caractère distinctif. Les juges avaient alors considéré que la marque qui ne présentait pas de caractère distinctif au moment de son dépôt avait toutefois acquis ce caractère par l’usage qui en avait été fait ensuite. Les juges s’étaient ainsi fondés sur l’article L711-2 c) qui prévoit : « Le caractère distinctif peut, sauf dans le cas prévu au c, être acquis par l’usage ». Le pourvoi formé à l’encontre de cet arrêt permet à la Haute Cour de clarifier les choses et de clore cette affaire.

En premier lieu, la Cour va affirmer que, pour apprécier l’acquisition du caractère distinctif, il est possible de se fonder sur l’usage postérieur à l’enregistrement de la marque. En effet, nonobstant le fait que l’article L711-2 du Code de la propriété intellectuelle ne prévoit pas cette faculté, la Cour rappelle que la France a usé de la faculté laissée aux Etats membres par l’article 3, § 3 dernière phrase, de la directive 2008/ 95/ CE du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, de ne pas déclarer nulle une marque enregistrée lorsque le caractère distinctif a été acquis après son enregistrement.

En second lieu, l’arrêt approuve les juges du fond d’avoir jugé que la marque verbale « vente-privee.com » avait acquis par l’usage un caractère distinctif au regard des services de promotion des ventes pour le compte des tiers et de présentation de produits sur tout moyen de communication pour la vente au détail ainsi que des services de regroupement pour le compte de tiers de produits et de services, notamment sur un site web marchand, désignés à son enregistrement, en se fondant sur :

  • le fait que la société Vente-privee.com justifie d’un usage du signe litigieux à titre de marque par l’apposition de la mention « prix vente-privee.com » à côté de chacun des millions de produits proposés à la vente sur son site internet et par l’utilisation du signe dans les courriers électroniques d’invitation adressés quotidiennement à ses vingt millions de membres ainsi que dans les publicités diffusées dans les médias ;
     
  • le fait que la société justifie, par des factures à compter de l’année 2001, de l’usage, dès avant leur enregistrement, des marques complexes « vente-privee.com », dont le signe litigieux constitue le seul élément verbal et principal dans la mesure où les éléments graphiques de couleur rose, bien que contribuant au caractère distinctif de ces marques, n’assurent qu’une fonction décorative que le public pertinent ne gardera pas nécessairement en mémoire ;
  • un sondage de juillet 2011, établissant que la marque de la société Vente-privee.com figure parmi « les marques préférées des français ».

Tous ces éléments ont permis d’établir que le public perçoit « VENTE-PRIVEE.COM » comme une marque, c’est-à-dire un identifiant des services de vente au détail de produits ou services d’origines diverses. 

Les hypothèses sont, en pratique, assez rares mais il est possible qu’un signe qui, à l’origine ne présentait pas de caractère distinctif suffisant, puisse constituer une marque valable car il a acquis ce caractère postérieurement en raison de l’usage qui en a été fait.

A rapprocher : Article L711-2 du Code de la propriété intellectuelle

Sommaire

Autres articles

some
Le groupe Louis Vuitton condamné à payer 700.000 euros à une ancienne designeur pour avoir enfreint ses droits d’auteurs
Cour d’Appel de Paris du 11 mars 2022 (n°20/08972) Une designer qui avait conçu et réalisé des fermoirs de sac à main de ville et de sac de voyage pour la société Louis-Vuitton a fait condamner cette dernière par la…
some
Le droit moral des auteurs d’œuvre de l’esprit s’invite dans la campagne présidentielle française
Le 4 mars 2022 Eric ZEMMOUR candidat à l’élection présidentiel a été condamné en première instance par le Tribunal Judicaire de PARIS pour avoir atteint au droit moral attaché aux oeuvres de l’esprit qu’il avait utilisés dans son clip d’annonce…
some
Sort des droits relatifs aux inventions ou aux logiciels réalisés par des non-salariés ou agents publics
Ordonnance n°2021-1658 du 15 décembre 2021 Par une ordonnance du 15 décembre 2021, le régime dérogatoire applicable aux inventions de mission et aux logiciels est étendu aux personnes physiques qui ne sont ni des salariés ni des agents publics. Cette…
some
L’état de la legaltech française post-crise
4ème édition du Baromètre 2020 des Legaltech françaises par Wolters Kluwer et Maddyness La crise de la Covid-19 n’a pas épargné le secteur grandissant des legaltechs. Elle a en réalité permis l’émergence des acteurs plus matures qui ont su s’adapter…
some
Quand une œuvre invisible pourrait bouleverser le droit d’auteur
Articles L.111-1 et 112-1 du Code de propriété intellectuelle La vente aux enchères d’une sculpture invisible et la poursuite annoncée de son auteur pour contrefaçon pose la question de la protection des œuvres invisibles en droit d’auteur et plus généralement…
some
La Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence en matière de recours contre les décisions de l’INPI
Cass. com., 12 mai 2021, n°18-15.153 Par un arrêt du 12 mai 2021, la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence en estimant que le défaut de mentions obligatoires d’un recours contre une décision de l’INPI pouvait faire…