CA Versailles, 14ème ch., 7 novembre 2019, Pharmarket / Elsie groupe, Pharmacie Chabrol, et autres
La cour d’appel de Versailles a confirmé l’ordonnance de référé condamnant la société Pharmarket en raison de pratiques commerciales trompeuses. En référençant des pharmacies concurrentes dans son annuaire, Pharmarket a créé une confusion dans l’esprit du consommateur qui pouvait penser que toutes les pharmacies référencées appartenaient au réseau Pharmarket.
La société Pharmarket édite le site internet www.pharmarket.com, qui se présente comme le premier réseau de pharmacies et de parapharmacies en ligne. Ce site – qui référence, dans son « annuaire des pharmacies françaises », près de 22 000 officines – permet aux internautes de commander des produits directement auprès d’officines partenaires.
La société Elsie Groupe et les pharmacies de son réseau ont constaté apparaître dans l’annuaire du site de Pharmarket alors qu’elles n’y ont jamais consenti. Elles ont alors notamment reproché à Pharmarket d’entretenir à travers cet annuaire une confusion dans l’esprit du consommateur qui pourrait penser que toutes les officines référencées appartiennent au réseau Pharmarket.
Après avoir mis en demeure la société Pharmarket de cesser de les référencer sur son site www.pharmarket.com, la société Elsie Groupe et les pharmacies de son réseau concernées l’ont assignée en référé afin d’obtenir leur déréférencement.
Les pratiques de Pharmarket ont été considérées comme caractérisant un trouble manifestement illicite par le juge des référés. Elle a alors été condamnée par le président du tribunal de commerce de Nanterre, sous astreinte de 250 euros par jour de retard, à retirer de son site internet toute référence ou mention à la société Elsie Groupe et aux pharmacies de de son réseau.
Pharmarket a alors interjeté appel de l’ordonnance de référé estimant que le trouble manifestement illicite et les pratiques prétendument déloyales qui lui ont été reprochés n’étaient pas établis.
Elle a alors notamment soutenu devant la cour d’appel de Versailles que son site internet et plus particulièrement son annuaire n’étaient pas susceptibles d’induire le consommateur en erreur dans la mesure où celui-ci est systématiquement informé et mis en mesure d’effectuer la distinction entre les pharmacies partenaires de Pharmarket et celles qui ne le sont pas.
Suivant constat d’huissier, la cour a retenu que le site internet de Pharmarket présentait l’annuaire comme celui « des pharmacies Pharmarket ». Dès lors, il n’était pas contestable pour la cour que le consommateur est trompé quant à l’appartenance au réseau Pharmarket de toutes les pharmacies figurant dans son annuaire et qu’il est incité à poursuivre sa recherche pour procéder à un achat en ligne puisqu’il peut penser que toutes les officines figurant dans l’annuaire offrent le service de vente en ligne.
De plus, toujours selon constat d’huissier, la cour a relevé qu’une recherche sur le moteur Google à partir de mots clés se rapportant à l’enseigne d’une des pharmacies du réseau Elsie Santé donnait pour premier résultat l’annuaire du site « Pharmarket ».
Lorsqu’un consommateur clique sur ce lien, il a accès au catalogue des produits vendus. Ce n’est qu’en fin de recherche qu’il est informé que la vente en ligne n’est pas disponible pour ladite pharmacie via le message d’alerte suivant : « La Pharmacie est présente dans notre annuaire des pharmacies françaises mais n’est pas partenaire de Pharmarket. Il n’est donc pas possible de passer commande en ligne auprès de cette pharmacie. Tous les produits affichés dans le catalogue de produits Pharmarket sont proposés et vendus par d’autres pharmacies françaises partenaires ».
La cour d’appel de Versailles en a alors déduit que grâce à son annuaire incluant des pharmacies concurrentes à celles de son réseau, Pharmarket capte les recherches des internautes vers son site internet puisque la présentation qui en est faite (y compris via l’utilisation de logos et icônes) laissent à penser que la pharmacie recherchée par l’internaute appartient au réseau de vente en ligne Pharmarket.
En outre, même si le consommateur est finalement informé en fin de recherche, la cour d’appel a considéré qu’en référençant sur son annuaire des pharmacies concurrentes, Pharmarket « a favorisé le renvoi des consommateurs vers son propre site marchand à partir des moteurs de recherche, les trompant par les premières mentions figurant sur son site sur l’appartenance desdites officines à son propre réseau pour ensuite les inciter à s’orienter vers des pharmacies partenaires grâce notamment aux annonces publicitaires de produits et aux liens vers son catalogue de vente en ligne qui figurent sur les pages de son annuaire ».
En application des articles L.121-1 et L.121-2 du Code de la consommation, ces procédés constituent des pratiques commerciales trompeuses et déloyales dès lors que Pharmarket « crée une confusion entre son réseau de pharmacies en ligne et celui du groupe Elsie et induit ainsi en erreur le consommateur moyen tout en le conduisant à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement, en l’incitant à finalement procéder à son achat auprès de ses pharmacies partenaires dont elle présente les produits ».
En conséquence, la cour d’appel a confirmé l’ordonnance de référé en raison de l’existence d’un trouble manifestement illicite caractérisé.
A rapprocher : Articles L.121-1 et L.121-2 du Code de la consommation