Cass. soc., 19 décembre 2018, n°17-14.631
“L’utilisation d’un système de géolocalisation pour assurer le contrôle de la durée du travail, laquelle n’est licite que lorsque ce contrôle ne peut pas être fait par un autre moyen, fût-il moins efficace que la géolocalisation, n’est pas justifiée lorsque le salarié dispose d’une liberté dans l’organisation de son travail.”
Ce qu’il faut retenir : La Cour de cassation, dans un arrêt du 19 décembre 2018, s’aligne sur la jurisprudence récente du Conseil d’Etat (arrêt n°403776 du 15 décembre 2017), et précise « selon l’article L. 1121-1 du Code du travail, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ; que l’utilisation d’un système de géolocalisation pour assurer le contrôle de la durée du travail, laquelle n’est licite que lorsque ce contrôle ne peut pas être fait par un autre moyen, fût-il moins efficace que la géolocalisation, n’est pas justifiée lorsque le salarié dispose d’une liberté dans l’organisation de son travail ».
Pour approfondir : Les outils de géolocalisation des véhicules se généralisent dans le cadre de la relation de travail, compte tenu de leur moindre coût mais également de leur fiabilité.
Cependant, ces traitements, compte tenu du risque évident d’atteinte à la vie privée eu égard à leur caractère intrusif et permanent, sont strictement encadrés.
Dans cette affaire, la société Mediapost avait recours à un système de géolocalisation, en registrant la localisation des salariés toutes les dix secondes, au moyen d’un boîtier mobile. La Fédération des PTT avait donc assigné la société Mediapost devant le Tribunal de grande instance. Elle se référait aux dispositions de l’article 6 de l’ancienne Loi informatique et libertés, et de l’article L.1121-1 du Code du travail qui dispose : « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. »
L’article 6 de la loi informatique et libertés du 6 janvier 1978 fixe, pour sa part, le principe de proportionnalité selon lequel les données collectées doivent être adéquates, pertinentes et non-excessives au regard de la finalité du traitement.
La Cour de cassation a donc fait une stricte application de la norme édictée par la CNIL dans sa délibération n°2015-165 du 4 juin 2015 de la CNIL (NS51), laquelle précise que le recours à un dispositif de géolocalisation ne peut être utilisé qu’à titre accessoire et si, et seulement si, ce suivi ne peut pas être assuré par un autre moyen.
Elle a donc annulé la décision de la Cour d’appel de Lyon en date du 13 janvier 2017, au motif qu’elle n’avait pas vérifié que le système de géolocalisation mise en œuvre par l’employeur était le seul moyen à sa disposition pour contrôler le temps de travail de ses salariés. Il est loisible d’en douter dès lors que le Conseil d’Etat en décembre 2017 avait invalidé ce système de géolocalisation considérant que l’employeur disposait déjà des relevés d’heures déclarés par les salariés. La géolocalisation avait ainsi été jugée superflue et disproportionnée par rapport au but recherché au sens de la réglementation relative aux traitements des données à caractère personnel.
Cette interprétation ne nous semble cependant pas tout à fait conforme ni à l’esprit de la réglementation applicable en matière de données à caractère personnel, ni à la doctrine de la CNIL, qui valide le recours à la géolocalisation pour contrôler le temps de travail dans certaines conditions, certes, strictes. Il n’est pas inutile de préciser, que dans cette affaire, la CNIL avait validé le système de géolocalisation Distrio mis en œuvre par l’employeur.
A rapprocher : CE, 10ème – 9ème ch. réunies, 15 décembre 2017, n°403776 ; Norme simplifiée édictée par la CNIL (la NS51)