Protection des secrets d’affaires contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicite

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ALBARIC Cristelle

Avocat associée - Docteur en droit

Directive du 14 avril 2016 du Parlement européen

Le Parlement européen a adopté le 14 avril 2016 la directive assurant le secret des affaires qui devra être transposée dans les pays membres d’ici deux ans…

Ce qu’il faut retenir : Le Parlement européen a adopté le 14 avril 2016 la directive assurant le secret des affaires qui devra être transposée dans les pays membres d’ici deux ans. Cette directive vise à instaurer un cadre juridique européen harmonisé protégeant les entreprises du vol ou de la divulgation illicite de leurs données relevant du secret des affaires. Elle vient combler un vide juridique car il n’existait pas jusqu’à cette directive une définition légale du secret d’affaires en France.

Pour approfondir :

  I. La définition du secret des affaires

La directive entre en vigueur, en vertu de l’article 20 de la directive du 14 avril 2016, « le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union Européenne ». Les Etats membres disposent eux de « 24 mois après la date d’adoption » de la directive pour transposer les règles dans les législations.

La définition du « secret des affaires » est prévue à l’article 2-1 de la directive qui prévoit qu’il faut la réunion de trois conditions cumulatives :

« a) Ces informations sont secrètes en ce sens que, dans leur globalité ou dans la configuration et l’assemblage exacts de leurs éléments, elles ne sont pas généralement connues de personnes appartenant aux milieux qui s’occupent normalement du genre d’informations en question, ou ne leur sont pas aisément accessibles ; 

b) elles ont une valeur commerciale parce qu’elles sont secrètes ;

c) elles ont fait l’objet, de la part de la personne qui en a le contrôle de façon licite, de dispositions raisonnables, compte tenu des circonstances, destinées à les garder secrètes ».

Il faut donc retenir que :

  • le caractère secret découle de l’information proprement dite, soit de la manière sont plusieurs informations sont organisées entre elles ;
  • le caractère secret est présent lorsque l’information est inconnue ou difficilement accessible à des tiers ;
  • le caractère secret est limité aux informations avec une valeur commerciale ;
  • le caractère secret découle des précautions raisonnables qu’aura prises la personne qui a licitement le contrôle des secrets.
     

  II. Les conditions d’utilisation de la directive

Le chapitre II de la directive pose les conditions dans lesquelles l’obtention, l’utilisation et la divulgation d’un secret d’affaires est considéré ou non comme illicite.

  • Les cas d’obtention, d’utilisation et de divulgation licite d’un secret d’affaires

L’article 3 liste les cas dans lesquels l’obtention, l’utilisation et la divulgation d’un secret d’affaires est licite :

  • l’obtention d’un secret d’affaires est licite lorsqu’il s’agit d’une découverte ou d’une création indépendante ;
  • l’obtention d’un secret d’affaires est licite lorsque la personne détient légalement le produit ou l’objet ;
  • l’obtention d’un secret d’affaires est licite lorsque cela se fait dans le cadre de « l’exercice du droit des travailleurs ou des représentants des travailleurs à l’information et à la consultation » ;
  • l’obtention d’un secret d’affaires est licite lorsque la pratique qui a permis l’obtention est conforme aux usages en matière commerciale ;
  • l’obtention, l’utilisation ou la divulgation d’un secret d’affaires est licite si elle est « requise ou autorisée par le droit de l’Union ou le droit national ».
  • Les cas d’obtention, d’utilisation et de divulgation illicite d’un secret d’affaires

Les articles 4.2 et suivants de la directive définissent les cas dans lesquels l’obtention, l’utilisation et la divulgation d’un secret d’affaires est illicite :

  • l’obtention d’un secret d’affaires est illicite lorsque l’obtention est réalisée sans le consentement de son détenteur (accès non autorisé, tout comportement contraire aux usages en matière commerciale) ;
  • l’utilisation ou la divulgation d’un secret d’affaires est illicite lorsque le secret d’affaires a été obtenu de manière illicite ou obtenu en violation d’une quelconque obligation de confidentialité sans le consentement du détenteur ;
  • l’obtention, l’utilisation ou la divulgation d’un secret d’affaires est illicite lorsque des personnes décident de produire ou de commercialiser « des produits en infraction » ou encore de divulguer ou d’utiliser un secret d’affaires lorsqu’elles savaient ou auraient dû savoir que ce secret avait été divulgué ou utilisé de manière illicite.
  • Les dérogations pour une obtention, utilisation ou divulgation illicite d’un secret d’affaires

L’article 5 de la directive prévoit néanmoins des dérogations notamment lorsque l’obtention, l’utilisation ou la divulgation alléguée du secret d’affaires aura eu lieu :

  • pour exercer le droit à la liberté d’expression et d’information ;
  • pour révéler une activité illégale du détenteur ;
  • pour protéger un intérêt légitime.
  • Les mesures, procédures et réparations

Le chapitre III de la directive décrit les mesures, procédures et réparations que le détenteur d’un secret d’affaires pourra solliciter.

L’article 6 prévoit une obligation générale à la charge des Etats membres consistant à mettre en place des procédures et réparations justes et équitables, simples et peu coûteuses, rapides, effectives et dissuasives.

Selon l’article 7, elles doivent également être proportionnées et ne pas servir dans un but anti-anticoncurrentiel.

C’est la raison pour laquelle cet article sanctionne tout usage abusif de celles-ci.

L’article 8 de la directive instaure un délai de prescription qui ne doit pas excéder six ans.

L’article 9 prévoit que les Etat membres doivent prévoir les mesures destinées à garantir la confidentialité des procédures relatives à la violation d’un secret d’affaires. Ces mesures doivent au moins inclure la possibilité, notamment, de restreindre l’accès aux éléments de preuve, aux audiences et rapports d’audiences ou encore de ne publier que les éléments non confidentiels des décisions judiciaires.

Ces mesures de confidentialité devraient être appliquées, elles-aussi, de manière proportionnée afin qu’elles ne nuisent pas au droit des parties à un procès équitable.

Enfin, elles doivent s’appliquer pendant et après l’action en justice et, ceci, aussi longtemps que les informations en question demeurent un secret d’affaires.

La directive pose trois types de mesures qui peuvent être ordonnées par un jugement au fond :

  • des mesures provisoires et conservatoires sous la forme d’ordonnances de référé ou de saisies conservatoires (directive, article 10), lesquelles sont accompagnées de mesures de sauvegarde afin de garantir le caractère équitable et proportionné de celles-ci (directive, article 11) ;
  • des injonctions, notamment l’interdiction de l’utilisation ou de la divulgation du secret d’affaires, ainsi que des mesures conservatoires comme la destruction par le contrevenant du support contenant les informations confidentielles (directive, article 12), injonctions et mesures qui sont également accompagnées de mesures de sauvegarde (directive, article 13) ;
  • l’octroi de dommages-intérêts au détenteur du secret d’affaires pour le préjudice subi en raison de l’obtention, l’utilisation ou la divulgation illicite de son secret (directive, article 14).

Enfin l’article 15 de la directive prévoit la possibilité pour les autorités compétentes de prendre des mesures de publicité si le demandeur en fait la demande, mais à condition que le secret d’affaires ne soit pas divulgué par cette publication et que le caractère proportionné de la mesure ait été vérifié.

A rapprocher : référence du texte

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