Tribunal judiciaire de Marseille, 23 septembre 2021, n°16/03736 GENERIX/ ACSEP et autres
Par un jugement en date du 23 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Marseille a condamné une société pour contrefaçon des codes sources d’un logiciel à hauteur de 3 millions d’euros.
Au-delà du montant particulièrement élevé de cette condamnation, le jugement commenté présente de nombreux enseignements en matière de contrefaçon des codes sources d’un logiciel par les anciens salariés de la société titulaire des droits sur ledit logiciel.
En effet, le tribunal judiciaire de Marseille confirme l’application du droit d’auteur aux codes sources d’un logiciel, traite de la question de leur originalité au sens du droit d’auteur et examine la question de leur titularité. Dans ce contexte, la décision témoigne du caractère particulièrement stratégique du dépôt des solutions logicielles auprès de l’Agence de la Protection des Programmes (« APP »).
En l’espèce, la solution visée est un progiciel de gestion des entrepôts intitulé « WMS INFOLOG » et édité par la société INFOLOG SOLUTIONS. Cette société fait par ailleurs l’objet, en 2010, d’une absorption par la société GENERIX par le biais d’une transmission universelle de patrimoine.
En 2011, une société exerçant la même activité, la société ACSEP est créée par l’ancien responsable du support solutions de la société INFOLOG SOLUTIONS. La société GENERIX apprend alors que plusieurs de ses salariés ont rejoint la société ACSEP et que certains clients ont cessé leur collaboration en cours pour se tourner vers cette dernière.
Après avoir établi un constat d’huissier, la société GENERIX a assigné la société ACSEP ainsi que ses anciens salariés pour contrefaçon des codes sources du logiciel et pour concurrence déloyale.
Le tribunal judiciaire de Marseille a rappelé dans son jugement en date du 23 septembre 2021 que les logiciels (y compris le matériel de conception préparatoire) au titre de l’article L.112-2, 13° du code de la propriété intellectuelle, constituaient des œuvres de l’esprit, qu’ils soient exprimés en code source ou en code objet. En effet la juridiction précise que « le code source d’un logiciel est une forme d’expression de celui-ci qui mérite par conséquent la protection des droits d’auteurs ».
En l’espèce, la société GENERIX produit les codes sources du logiciel WMS et les trois programmes sources qui le composent tels que déposés à l’APP, permettant ainsi l’identification de l’œuvre contrefaite.
Par ailleurs, il est rappelé que l’œuvre appartient, au titre de l’article L.113-1 du code de la propriété intellectuelle, à celui ou ceux sous le nom duquel l’œuvre est divulguée. Dès lors, une personne peut en être investie si elle commercialise sans équivoque une œuvre sous son nom.
La juridiction estime, après avoir constaté lesdits dépôts des codes sources et la commercialisation de la solution que « la société GENERIX est donc titulaire des droits sur cette œuvre, qui constitue une œuvre originale, et fondée à en défendre la protection. »
Dès lors, il apparait que la société ACSEP, en reproduisant le code source de la société GENERIX a effectué des actes de contrefaçon puisqu’il n’existe aucune convention autorisant la société ASCEP à reproduire, en tout ou partie, les logiciels en question.
Afin d’évaluer le montant de la condamnation, la juridiction se fonde sur l’article L.331-1-3 et L.331-1-4 du code de la propriété intellectuelle. Le tribunal judiciaire de Marseille condamne la société ACSEP à payer à la société GENERIX :
– La somme de 2.054.806, 06 euros au titre du manque à gagner en raison de la résiliation de nombreux contrats par des clients de GENERIX. Cette dernière, produit à cet effet des lettres de résiliation de clients au moment de l’apparition des faits de contrefaçon.
– La somme de 814.000 euros au titre des économies réalisées par la société ACSEP. En effet, il a été estimé que ce montant correspondait à la valeur comptable de la recherche et développement du progiciel contrefait.
– La somme de 50.000 euros au titre du préjudice moral de la société GENERIX.
Par ailleurs, le tribunal judiciaire a ordonné la cessation des faits de contrefaçon et la suppression par la société ACSEP des codes sources.
Enfin, il doit être souligné que société ACSEP a également été condamnée au paiement de la somme de 30.000 euros au titre de la concurrence déloyale.
A rapprocher : Tribunal judiciaire de Marseille, jugement du 23 Septembre 2021 ; « Trois millions d’euros pour contrefaçon des codes sources d’un logiciel » Legalis, 04 octobre 2021 ; Code de la propriété intellectuelle, Article L112-2 ; Code de la propriété intellectuelle, Article L113-1